Marie Chauché de la Picture Family, vous raconte son expérience chez Green Peace.
Ayant grandi au Pays Basque, entre océan et montagne, j’ai très tôt été sensibilisée à la nature, à sa fragilité et à la nécessité de la préserver. J’aime le plein air et les grands espaces sauvages, je m’y sens libre, ils me permettent de m’évader et de me retrouver. Mais au-delà de mon équilibre intérieur, je sais à présent à quel point ils sont importants pour la régulation de notre système et pour notre survie. Océans et forêts rendent notre atmosphère respirable et contribuent à réguler la température terrestre. Ils abritent une biodiversité inouïe, fruit de centaines d’années d’évolution et d’adaptation. Je sais aussi aujourd’hui à quel point ces espaces sont menacés. J’en suis témoin tous les jours, en tant que surfeuse : déchets flottants ou échoués sur les plages, érosion de la côte, cadavres d’animaux marins gisant sur le sable, mazoute coagulé avec lequel s’amusent les enfants insouciants, prolifération d’algues vertes, odeurs nauséabondes et certitude de contracter une maladie en allant à l’eau après quelques jours de tempête… Ce constat est désolant et appelle à l’action. Celle-ci doit être collective et rassembler les consciences individuelles.
Chacun peut apporter sa contribution, à sa manière. Pour ma part, je tente de sensibiliser les jeunes et de les accompagner en tant qu’animatrice dans la découverte de leur environnement et l’apprentissage d’éco-gestes quotidiens. En tant qu’ambassadrice d’une marque de textile éco-responsable comme Picture, ou d’un surf camp comme Natural Surf Lodge, j’essaie de montrer que d’autres voies sont possibles. Étudiante à Sciences Po Bordeaux, j’oriente également mes recherches sur la conscience écologique des jeunes par exemple, et m’intéresse particulièrement à l’anthropologie environnementale et aux savoirs écologiques vernaculaires, traditionnels. Pensant m’orienter l’année prochaine vers le master Gouvernance de la Transition Écologique, c’est en faisant mon dossier de candidature et en réfléchissant aux organismes dans lesquels je me projetais professionnellement, que je me suis tournée naturellement vers Greenpeace. Je cherchais au départ des informations sur la célèbre ONG pour étoffer mon dossier quand je suis tombée sur une annonce d’emploi sur Bordeaux. C’est ainsi que l’aventure a commencé !
Travailler pour Greenpeace a été une expérience enrichissante sur plusieurs points : d’abord avoir l’opportunité de travailler dans un domaine qui me passionne et qui consiste en la défense et en la transmission de valeurs qui me sont chères. Ensuite cela m’a permis de me rendre compte de la force et de la portée de l’action collective. Fondée en 1971 par de jeunes militants nord américains, Greenpeace est une ONG pionnière dans la défense de l’environnement, aujourd’hui présente à l’international, représentée dans 51 pays. Sa fonction est avant tout celle d’un contrepouvoir citoyen qui tente de faire pression auprès des gouvernants, qu’ils soient politiques ou économiques, qui détiennent le pouvoir de prendre des décisions en faveur de la transition écologique. Car s’il est facile de culpabiliser régulièrement le consommateur en remettant sans cesse en cause ses pratiques, il ne faut pas oublier que les plus gros pollueurs restent les grosses entreprises industrielles, qui parviennent à contourner bien souvent la législation en vigueur au risque de payer des compensations dérisoires.
Si sensibiliser le grand public est essentiel et que chaque citoyen a sa part de responsabilité dans la transition écologique, le changement vient aussi du haut, et il est nécessaire que les pouvoirs publics l’accompagnent, en répartissant l’argent public de manière plus équitable et cohérente vers les secteurs d’avenir, respectueux de l’environnement et porteurs de solutions durables. Il leur incombe aussi la responsabilité de légiférer davantage en faveur de la protection de l’environnement et de prendre des mesures pour lutter contre l’impunité des géants économiques peu soucieux des désastres écologiques qu’ils provoquent. Il s’agit d’une double dynamique, venant à la fois du bas (citoyens) et du haut (pouvoirs politiques et économiques). A quoi sert de recycler si ces déchets plastiques sont en réalité envoyés à l’autre bout du monde, en Malaisie, et triés par des enfants pour un salaire de misère ?
Pour dénoncer l’inaction de l’État ou parfois le manque de cohérence de ses décisions, Greenpeace s’appuie sur des investigations poussées et indépendantes, ainsi que sur des missions « coups de poids » médiatisées en cas de nécessité. C’est réellement par le nombre d’adhérents (3 millions à l’international, dont 241 000 en France) qu’elle parvient à mener ses actions. Non seulement car il s’agit d’une des rares ONG et associations à refuser les subventions de l’État ou donations d’entreprises (afin d’éviter les conflits d’intérêts et de garantir une réelle transparence et indépendance d’action) mais également car c’est par le collectif que nos revendications sont écoutées et prises en compte. Ainsi, si certaines campagnes mettent des décennies à aboutir, elles méritent tout de même d’être menées et peuvent aboutir à des victoires. En 1982, c’est ainsi qu’est adopté le moratoire sur la chasse à la baleine ou encore en 1991, que l’Antarctique est décrété « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science » par la communauté internationale. Plus récemment, Greenpeace est parvenu à plusieurs reprises à mettre en échec des projets d’extractions pétrolières de Total sur des zones fragiles, telles que le récif de l’Amazone, ou encore à déjouer des projets de Shell de destruction d’une plateforme pétrolière au large des iles Shetland… Elle est aujourd’hui en négociation avec l’ONU pour protéger 30% des océans d’ici 2030…
Au-delà de ces victoires et de l’histoire de l’association, j’ai pu en apprendre davantage sur les problématiques environnementales actuelles et approfondir des thématiques telle que la déforestation, la protection des océans, la transition énergétique ou encore la nécessaire réforme de notre système agricole actuel. L’enjeu est non seulement de dénoncer les abus et les atteintes portées à notre environnement mais aussi et surtout d’être porteur de solutions et d’alternatives pérennes.
Finalement, travailler pour Greenpeace n’a fait que renforcer mes convictions et ma volonté d’agir. Si la route est encore longue, l’inégalité du rapport de force souvent accablant, et la situation plus que critique, je suis convaincue que l’espoir réside dans l’action et dans l’engagement. Quoiqu’il arrive, il s’agit d’un effort collectif dans lequel chacun peut trouver sa place et sa contribution, à sa manière et à sa hauteur.